Presque aucun autre musicien de jazz ne reçoit actuellement autant de retours positifs en Europe que le saxophoniste soprano français Emile Parisien. Son enregistrement de concert 2018 « Sfumato live in Marciac » (CD et DVD) avec Joachim Kühn au piano et en invités Michel Portal,

Vincent Peirani et Wynton Marsalis ont reçu des tempêtes d'enthousiasme : « Une voix marquante du jazz contemporain » a justement été décrit par l'ARD Parisien. Arte Metropolis entend un « magicien au saxophone », le British Times « le premier saxophoniste soprano d’Europe » et pour Der Spiegel c’est un « plaisir de voir Emile Parisien interpréter son grand art ». L'américain Downbeat considérait même comme un euphémisme de limiter le Parisien au jazz européen ; Rolling Stone certifiait qu'il était non seulement peut-être le meilleur saxophoniste de sa génération, mais qu'il dirigeait également l'un des groupes les plus impressionnants du moment. Et ainsi de suite...

Il ne devrait donc pas être trop exagéré de décrire Parisien comme un artiste qui définit le style de son instrument : depuis Sidney Bechet, John Coltrane et Steve Lacy, personne ne s'est consacré de manière aussi innovante et cohérente au saxophone soprano. Depuis lors, personne n'a revitalisé, recalibré et placé avec autant de facilité le son exotique, riche en vibratos, tranchant et exotique de l'instrument au centre de nouveaux concepts.

Le nouvel album du Parisien "Double Screening", enregistré à nouveau au format original quatuor, rassemble toutes les qualités de ce musicien d'exception. La façon dont Parisien examine ici le jazz est inimitable : il questionne et élargit, trouve de nouvelles réponses. Les choses anciennes sont redéfinies et les choses visionnaires sont produites avec délectation.

Par ailleurs, le Parisien intègre également des éléments de son pays natal, créant un mélange furieux de chanson, de musique sérieuse contemporaine, de folklore français et maghrébin. Son jeu dégage une dynamique d'improvisation et d'originalité.

Il superpose les idées à un rythme soutenu et avec une emphase qui se transmet à l'auditeur. Il n’est pas obligé d’en abuser car il en a beaucoup trop. Il ne choisit jamais la voie de la facilité, et pourtant les compositions, qui sont toutes écrites par lui ou par les membres du groupe, ont une énergie entraînante, une tension sophistiquée et une rigueur étonnante. Les divertissements organisés regorgent de feintes et de rebondissements saisissants. Les frontières entre composition et improvisation s’effacent. On se réjouit de l'excellente façon dont ce groupe communique entre eux, loin de toute routine. C'est un jazz de superlatifs frais, explosif et original.

Emile Parisien est définitivement un instrumentiste. Il n'est pas obligé de le publier. Lorsqu'il s'aventure dans des domaines expressifs du free jazz, puis s'engouffre à toute vitesse dans des lignes mélodiques complexes, s'attarde sur des idées complexes ou fait sonner le saxophone soprano comme une flûte japonaise Shakuhachi le temps d'un morceau, c'est du grand art au service de sa cause. Et pourtant, il ne s'agit pas du soliste, mais du groupe, qui navigue ensemble somnambulement entre compact et sensible, parfois rugueux et l'instant suivant à nouveau doux. Il est méticuleusement construit et pourtant plein d'espaces pour la spontanéité individuelle. C'est un nouveau jazz européen qui connaît ses traditions et s'aventure à partir de là vers de nouveaux territoires : furieux, virtuose et avec une émotivité étonnante.

© Sylvain Gripoix